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Dans les Pays Lointains

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Dans les Pays Lointains

 

Ernst Bernhardt

 

1. - ENVIRONNÉ D'ESPIONS

 

- «Porteurs! Porteurs!»

Mon appel retentissait à travers le hall de la gare d'Istanbul remplie d'une foule aux couleurs bigarrées.

Une sauvage confusion s'offrait à mes regards. Les porteurs de bagages se disputaient en criant autour des valises des voyageurs et tous se bousculaient vers les formalités de la douane, qui se trouvait à la sortie de la gare. Chacun voulait être le premier. Des mots de toutes les langues bruissaient dans l'air.

Je regardais tranquillement de haut cette folle activité, car je me trouvais encore sur le marche-pied d'un wagon du train de luxe venant d'arriver et qui m'avait transporté de Vienne à ici.

L'Orient n'était pas nouveau pour moi, mais, malgré cela, ce coup d'œil exerçait toujours sur moi une certaine excitation.

Pour la troisième fois, je hurlais à pleine gorge:

- «Porteur!»

Cette fois je fus entendu.

Un Turc assez sale, à la robe déchirée, appuyé jusqu'ici en silence à un pilastre et qui n'avait apparemment pas prêté attention à son entourage, s'empressa vers moi.

Méfiant, j'évaluais la stature un peu chétive du Turc et lui faisais remarquer en hésitant:

- «Tu ne pourras pas porter ces valises. Celles-ci sont très lourdes.».

Un sourire suffisant glissa, cependant, sur ses traits et, pour toute réponse, il leva impassiblement la plus grosse et la plus lourde valise avec une aisance et une force étonnantes et demanda calmement:

- «Où dois-je la porter?».

Avant que je puisse lui donner une réponse, retentit soudain à mes oreilles une voix qui m'était bien connue:

- «Effendi! Effendi!» (Monsieur!  Monsieur!).

Réjoui, je regardais autour de moi, et dans la cohue encore persistante, j'aperçus un personnage épais qui pénétrait de force à travers la foule humaine en poussant et en haletant. Le visage rouge et ruisselant de sueur par la course fatigante et les bras courts tournoyaient en l'air activement.

C'était Youssouf, le fidèle serviteur de Constantin, qui me connaissait depuis ma dernière visite.

Enfin, il était devant moi et, pendant qu'il reprenait son souffle et que la sueur lui coulait littéralement sous son nez rouge, il parlait avec volubilité en des phrases décousues tandis que ses petits yeux amusés rayonnaient:

- «Oh Effendi, j'ai couru, j'ai volé pour arriver à temps auprès de toi. Mon âme était profondément troublée en ne te voyant pas aussitôt, mais maintenant mon cœur bat de joie, puisque je peux te saluer.

Tu sais bien Effendi, que je suis le serviteur le plus fidèle de ton ami, puisse Allah t'inspirer de manière à ce que tu t'aperçoives de cela et n'accordes pas tes grâces à d'autres!».

A ces derniers mots, il me faisait des yeux un signe de connivence vers le porteur appelé qui m'attendait à côté avec une partie de mes bagages et ne semblait même pas se préoccuper de nous.

Que voulait-il dire par là?

Déjà j'ouvrais la bouche pour une demande à ce sujet, mais Youssouf continuait de s'incliner et me chuchota à mi-voix tout en saisissant ma valise.

- «Pose ta question maintenant, ô Effendi!»

Ces paroles étaient si implorantes et si angoissées que j'en fus encore troublé.

Je maîtrisais toutefois mon inquiétude, pris un air impassible et suivis vers le contrôle des douanes, Youssouf et le porteur me précédant.

A nouveau me revenait maintenant à l'esprit, comme plusieurs fois déjà durant le voyage, la lettre de mon ami.

Son invitation était si étrangement retenue. Entre les lignes, on lisait involontairement une pressente supplique, ce qui m'avait incité aussi à avancer mon départ. Ma crainte devait-elle être fondée et un danger quelconque menaçait Constantin? Un malheur l'avait-il déjà touché?

Quelque chose avait dû se passer. Ce sentiment oppressant ne me quittait pas et, sous l'impression de telles pensées, je me rapprochais de la sortie , quand, au même instant, Constantin arrivait aussi dans sa voiture.

Un poids m'était ôté de la gorge. Dieu soit loué: il était au moins en bonne santé ainsi que je pouvais m'en assurer d'un regard, même si ses traits donnaient l'impression d'une plus grande lassitude et que la figure aux yeux bleus et à la grande et forte barbe d'un blond foncé mais bien soignée, paraissait un peu plus pâle qu'autrefois. Il avait toujours été sérieux et son être entier était emprunt d'une légère mélancolie. A l'exception de ses yeux bleus, il avait le regard authentique d'un turc méditatif, alors qu'il réfléchissait sans fin la solution d'un problème important.

Alors que la voiture roulait encore, Constantin qui m'avait déjà remarqué, en descendait. Je voyais flotter comme un signe réjoui sur son visage.

Il laissa glisser un pourboire dans la main de l'employé qui se tenait à la prote, faisant au porteur un signe impératif et nous franchîmes sans contrôle le passage avec tous les bagages tandis que je voyais encore les valises de mes compagnons être fouillées.

Je me trouvais maintenant face à mon ami. De tout cœur, nous nous serrâmes les mains.

Constantin me souhaita la bienvenue et s'écria:

- «Combien je te suis reconnaissant d'être venu, mon cher, j'ai tant désiré avoir un entretien avec toi!».

Je le regardais en disant:

- «Ta lettre ne m'a laissé aucun repos, ce n'était à vrai dire, qu'une invitation, mais, après sa lecture, l'idée s'affermissait en moi que tu avais un urgent besoin de mon aide.».

A ces mots, le visage de Constantin s'assombrit et un regard presque douloureux m'atteignit, tandis que, d'un mouvement de refus de la main, il remua tristement la tête et soupira:

- «Ah! Je ne sais plus ce que je t'ai réellement écrit, mais tu as raison, j'ai besoin de ton aide! et {même} grand besoin.».

Tenant toujours sa main dans les miennes, je répondis:

- «Tu sais que tu peux compter sur moi en toute chose. En douterais-tu?».

Et, prenant intentionnellement un ton plus léger, je poursuivis:

- «Nous avons déjà débattu plus d'un problème ensemble, c'est pourquoi je suis convaincu que nous mènerons également à bien ou résoudrons cette affaire, qu'à vrai dire, je ne connais pas encore. Est-ce quelque chose de si grave?».

Mais je regrettais aussitôt cette question à brûle-pourpoint, car sa bouche commençait à douloureusement tressaillir, tandis qu'il répondait:

- «Tu me demandes si c'est quelque chose de grave? Grave n'est pas l'expression correcte pour cela, oui, oui un coup pénible ma atteint. Oh! Cher ami, aide-moi. Ma sœur ...».

Je reculais épouvanté.

- «A chercher ta sœur? Celle-ci n'est plus à Turin?»

- «Elle y était ... Sur ma demande, elle voulait venir chez moi ... Elle est partie ... Visita l'Italie, vogua ensuite en bateau vers Athènes ... m'annonça son arrivée à Smyrne ... Mais a disparu depuis sans laisser de trace! Oh, c'est à désespérer!»

Les phrases continuaient à sortir de manière saccadée. Maintenant les sanglots réprimés ébranlaient tout son corps.

Je savais qu'il était fort attaché à sa sœur et qu'il aimait celle-ci passionnément. A vrai dire, je ne m'attendais pas à une nouvelle de cet ordre.

Mon ami continua à me donner les explications nécessaires sur les démarches qu'il avait déjà faites, mais sans succès jusqu'ici.

- «Cher ami, c'est mal de ma part de vouloir t'attirer dans cette affaire pouvant se terminer très mal. Je suis bien conscient qu'il y aura un combat difficile, mais nous avons déjà combattu côte à côte plus d'une fois. Il te suffit de regarder cette cicatrice. Ici.» Il désignait son front. «Et j'ai voulu ..., j'ai voulu ... Tu peux toujours t'en retourner ... Tu peux encore ...»

Il commença à bégayer et ses yeux interrogateurs reposaient sur moi. Mais je lui tendais tranquillement la main et disais avec force :

- «Voici ma main, ma décision est prise. Je fais mienne ton affaire et me tiens fidèlement à tes côtés!»

Les yeux de Constantin s'illuminaient de joie pendant que des doigts glacés prenaient convulsivement ma main droite et la serrait cordialement.

Un soupir de soulagement sortit de sa large poitrine et il répondit presque solennellement:

- «Quel précieux cadeau du Plus-Haut est l'amitié!»

- «Certes mon cher Constantin, j'ai déjà souvent éprouvé cela moi aussi avec gratitude. Notamment quand celle-ci est alors purifiée comme avec nous par des dangers et des soucis combattus en commun.»

- «Il en va de l'amitié comme de l'amour. Ce que les soucis et les dangers ne peuvent séparer dans celles-ci, est d'autant plus soudé fermement par les épreuves et ce qui n'est pas pur comme de l'or ne résiste pas.»

- «Tu as raison», répondit Constantin avec chaleur, mais il parut embarrassé tout en poursuivant, un peu oppressé: «J'ai encore quelque chose à te dire.».

Tendu, je levai les yeux. N'était-ce pas encore suffisamment triste ce que j'avais entendu? Une annonce encore plus mauvaise devait-elle être faite?

Par mon ami je n'en saurai pas plus. En tout cas il luttait péniblement avec lui-même et les mots ne lui venaient pas facilement, sa confusion croissait visiblement.

Je voulus lui venir en aide et dis à demi-plaisantant:

- «Je suis tout ouie!».

Il hésitait toujours. Enfin une question inquiète vint sur ses lèvres:

- «Tu ne m'en voudras pas non plus?».

Etonné par cette singulière attitude, je répliquai:

- «T'en ai-je jamais voulu? De quel droit pourrais-je le faire?».

- «Avec le droit de l'amitié», répondit-il sourdement.

- «Mais Constantin!», m'écriai-je, presque effrayé, «qu'est ce que tu as? Tu me connais donc si peu? Et si quelque chose s'est produit qui t'opprime et sur laquelle tu crois que je serais en droit de porter un jugement, en ce cas sache que le premier devoir d'un ami est aussi d'exercer le pardon là où il le peut!».

- « Là où il le peut », répondait Constantin, « mais je te donne encore une fois raison. Toutefois cette possibilité a aussi une limite, quand celle-ci est franchie qu'arrive-t-il ? »

A ces mots il parut triste et tourmenté; obéissant à une impulsion soudaine j'allai à lui. Il s'était entre-temps de nouveau assis, je posai ma main gauche légèrement sur son épaule, et, de la main droite, lui prit la main en disant cordialement:

- «Ne te tourmente donc pas ainsi Constantin. Quoi qu'il puisse y avoir, je le porte avec toi.».

Avec reconnaissance il leva les yeux vers moi.

Enfin, d'une voix à peine audible, il dit doucement:

- «J'ai changé mon nom et ne m'appelle plus Constantin.».

Etonné, je regardais mon ami. Etait-il soudainement déséquilibré en raison des soucis causés par sa sœur bien-aimée? Le sens de ses paroles m'était complètement incompréhensible.

Toutes sortes de suppositions me venaient en tête, mais je ne trouvai aucune explication. C'est pourquoi je me tournai vers Constantin.

- «Que veux-tu dire par là?» et j'ajoutais à nouveau en plaisantant pour l'aider à s'expliquer:

«Tu n'as pourtant participé à aucune vendetta au cours de laquelle on ne porte aucun nom jusqu'à la solution finale.».

Toutefois Constantin ne goûta pas ma plaisanterie mais poursuivit gravement:

- «J'ai reçu le prénom d'Ahmed!».

Ce fut comme si je recevais un coup. La reconnaissance jaillissant en moi comme l'éclair. Il me fallait péniblement chercher à ne perdre contenance tandis que je reculai involontairement d'un pas et murmurai:

- «Ainsi tu es...»

Je ne complétais pas encore ma phrase au cas où, dans ma supposition, je me serais imaginé une erreur.

Mais il l'a terminait sourdement, les lèvres tremblantes: «Devenu Musulman!» Ces deux paroles étaient à peine audibles. Mais ce fut, pour moi, comme si une âme tourmentée avait crié à travers la pièce paisible.

Longtemps, longtemps, nous restâmes tous les deux muets, nous abandonnant chacun à nos pensées.

Mais Constantin, ou plutôt Ahmed, tourna vers moi son pâle visage en riant amèrement, comme s'il voulait dire:

- «Tu vois, j'ai craint que tu ne te détournes.».

Cela me ramena à la réalité.

Rapidement, j'allai à lui, pris sa tête à deux mains, le regardai amicalement dans les yeux et dis gravement:

- «Pourrais-tu jamais croire que mon amitié disparaîtrait avec le nom de Constantin?».

A ces mots, ses yeux brillèrent joyeusement.

- «Ainsi tu voudras...»

Il ne put continuer, car j'intervins rapidement:

- «Conserver naturellement à Ahmed la même amitié que j'avais pour Constantin.».

Une exclamation d'allégresse contenue expira sur les lèvres d'Ahmed. Il bondit, m'étreignit le cou de ses deux bras, et - ce que je n'avais encore jamais vu chez lui - se mit à pleurer comme un enfant sur ma poitrine. Mais à ses sanglots se mêlaient les paroles:

- «Sois remercié, toi, noble ami, et aussi pour le fait que tu ne m'en demandes pas la raison. Je n'aurais pu te la dire maintenant. Toutefois plus tard, plus tard tu dois, un jour, tout savoir!...».

Après m'être rafraîchi par un bain et réconforté par un excellent repas, je décidai de faire une promenade, car Ahmed était encore occupé par le déroulement de différents travaux.

J'échangeais le chapeau contre un fez et utilisais comme sortie la porte de derrière du bâtiment car l'entrée principale selon les dires d'Ahmed, devait être certainement observée et je descendais lentement en flânant vers l'embarcadère des bateaux.

Là, je hélais un rameur prenant son bain de Soleil:

- «Hola! Batelier, es-tu libre?».

- «Oui Monsieur!», répondit tout de suite l'interpellé.

Je montais à bord tranquillement pour me faire emmener à la rame un bout de chemin vers le Bosphore. J'avais fait cela journellement à mon premier séjour, car l'on pouvait de la sorte mieux jouir du spectacle de Constantinople.

Toutefois, Halte!... N'était-ce pas mon porteur de bagages de ce matin que j'ai remarqué tout à l'heure avec la poussée de la barque alors qu'il s'éloignait rapidement? Serais-je déjà observé? Désormai,s je devais toujours me tenir sur mes gardes.

Lentement, notre barque glissait sur l'eau bleue et transparente. Je me plaçais confortablement à l'arrière et me délectais du merveilleux spectacle qu'offrait la cité du Bosphore. Celle-ci s'élève, ainsi que Rome, sur sept collines.

Les rangées de maisons en forme de terrasses interrompues par endroits par le vert frais des cyprès et des platanes géants. Les grandes mosquées captivent le regard avec leurs minarets effilés. Au centre d'Istanbul, la puissante mosquée du Sultan Mohamed le Conquérant, plus près de la mer, les mosquées Lalleli et Schahsade, à gauche à nouveau l'orgueilleuse construction de la Mosquée Soliman et à droite Sainte Sophie, plus loin encore la Seraskierad avec la haute tour et le vieux sérail, tandis que, de l'autre côté de la baie, dans Gala et Tera, notamment les mosquées de la Sultane Balide, l'ambassade allemande, les palais de marbre Delma-Bagische et Tschiragan attirent à eux le regard. Enfin, au rivage asiatique, Scutari, aux contours plongés dans la brume. Longuement étirées, les façades blanches des casernes se dissimulent à demi dans le vert, entre les maisons de différentes couleurs.

Le village succède au village, la villa à la villa et le palais au palais, entre les coupoles des minarets brillant faiblement dans la lumière rosée, le miroir bleu foncé du Bosphore et de la Corne d'Or offrent tous ensemble une image propice au ravissement.

Ce spectacle et le calme me mettaient dans un état d'âme rêveur. Mon regard se fixa sur l'imposante construction de l'Ambassade Allemande.

Je me reportais à l'époque du gouvernement du dernier empereur de Byzance et voyais, au même endroit, se tenir un fier palais, qui fut habité par la princesse Irène, une parente de l'empereur.

Je la voyais devant moi, la fière princesse, la célèbre beauté, entourée de sa cour, et voyais auprès d'elle l'empereur Constantin dans les somptueux portiques.

Toutefois quel était celui qui se tenait devant eux, habillé comme un simple arabe? C'était le prince Mohamed, fils du Sultan Amourad et le futur vainqueur de Constantinople.

Inconnu, il se tenait là, dans son déguisement, seul l'amour pour la princesse Irène l'y avait poussé. Il était venu en tant que Cheik chanteur et se tenait devant l'assemblée.

Je le revoyais, seul avec la princesse, au moment où il se faisait passer pour un envoyé de Mohamed et cherchait à lui donner une bonne opinion du prince.

Comment se serait déroulée l'histoire du monde si Irène avait accordé sa main à Mohamed? J'entendais toutefois clairement ses paroles:  «Ma mère était aussi une Chrétienne». C'était au moment où Irène mentionnait la différence de croyance{s}.

Mes pensées continuaient leur chemin. Je vis arriver les armées de Mohamed devenu Sultan. Mohamed lui-même au milieu de sa garde, la troupe de janissaires, observée par l'empereur Constantin, se trouvant sur le toit de la Sainte tour romaine avec sa suite, je vis alors les luttes acharnées pendant des semaines et entendis au cours du dernier assaut décisif le cri de désespoir de Constantin: «N'est-ce pas là un Chrétien qui veut me tuer?» et le vis tomber sous les coups de ses ennemis.

Le 29 mai 1453, le destin de Constantinople était scellé. Une autre image surgissait devant moi.

Je vis, dans Sainte Sophie, Mohamed monté à cheval  en armure de cottes de mailles dorées, l'épée à la main et le bouclier sur le dos. Là, il se fit donner une massue et au cri de: «Assez de culte des idoles à Dieu, au Dieu unique, je consacre cette maison!». Il projeta celle-ci contre une colonne, qui trembla sous le choc. Cet endroit, où la massue a laissé une profonde empreinte, est montré, aujourd'hui encore, avec une satisfaction intérieure, par les croyants musulmans.

Mohamed, sauta au bas de son cheval et s'empressa jusqu'à la grille de la chaire derrière laquelle la princesse Irène s'était sauvée, afin de la libérer...

Le palais de la princesse a disparu. Durant la guerre de Crimée (1855) un hôpital militaire a été construit sur les caves du palais, mais qu'a détruit la grande chaleur d'un incendie. Durant des années la place s'appela alors le «Jardin du Khédive». Jusqu'à ce que l'Ambassade Allemande l'occupât.

Mon regard demeura fixé sur la vénérable Agia Sophia (Sainte Sagesse) remontant au VIème siècle. Je vis les 10.000 travailleurs occupés à la construction, sous la direction de 100 architectes.

Le matériel...

Ici, je fus soudain arraché à mes rêves.

- «Attention!» entendis-je crier auprès de moi.

Mais le cri d'avertissement arriva trop tard, car, l'instant suivant, je me trouvais déjà dans les vagues du Bosphore, jeté dehors par le choc violent d'une barque arrivant rapidement et ... - entendais-je bien? - le même rire méprisant m'ayant salué en tant que bienvenue à la gare d'Istamboul retentit à mes oreilles.

Notre bateau flottait, la quille en l'air, pendant que l'autre, rapide comme une flèche, s'éloignait.

Avec beaucoup de peine, je parvins, avec l'aide du rameur, à retourner notre barque et, avec les occupants d'une barque entre-temps arrivée, à remonter dedans.

Qu'était-ce donc que cet homme et que voulait-il de moi? En tout cas, il m'avait suivi en barque en croyant que je ne savais pas nager, afin de me rendre "inoffensif".

Il s'y prenait par là assez imprudemment, car, autrement, il aurait étouffé le rire méprisant le trahissant.

Irrité de m'être laissé surprendre, j'ordonnai de ramer aussi vite que possible. L'espoir montait aussi en moi de revoir encore une fois cet inconnu.

- «Si tu rames vite, tu recevras un pourboire!» criai-je au rameur.

Il fit tout son possible, mais en vain. Le recherché resta inaperçu.

Je pris une voiture, roulai vers la demeure d'Ahmed, changeai de vêtement et repartis aussitôt, car j'espérais ainsi que l'on me suivrait à nouveau et que je pourrais peut-être saisir l'un des compagnons.

C'est pourquoi, je choisis, cette fois, l'entrée principale et j'errais sans but, à pas lents, par les rues, mais examinant attentivement et rapidement chaque personne.

Ainsi, j'arrivais jusqu'à Istanboul, non loin de la garde devant un café, lorsque je remarquai un turc élégamment vêtu, assis devant une table vide, et me tournant le dos.

Personne ne s'occupait de lui, mais, apparemment furieux, il agitait les bras en l'air. Cela m'intriga, je m'approchai et reconnus Link, un Viennois de mes amis. Je n'étais pas peu surpris de le trouver ici. Lors de mon dernier séjour à Vienne, j'avais souvent dû lui parler de mes voyages et, à ce sujet, son enthousiasme par trop grand m'était devenu quelquefois importun. Toutefois, avec tous ses grands et petits défauts, il était pourtant d'un caractère facile et sincère et c'est pourquoi il m'était devenu cher. Mais, qu'il puisse lui être venu à l'idée de faire un voyage à Constantinople, je ne l'aurais jamais cru.

Il ne m'avait pas remarqué; lentement, sans lever les yeux, je fis le tour de la table et m'asseyai non loin de lui, de sorte qu'il ait mon visage devant lui.

Immédiatement il ne pouvait pas me reconnaître, car, en changeant mes vêtements mouillés, j'avais revêtu un costume turc.

Justement, il commença de nouveau à crier:

- «Hello! Patron!, par le diable, écoutez donc!».

Il criait si fort que son visage rougissait et que de brûlantes gouttes de sueur lui perlaient au front.

- «Patron, un café avec un peu de sucre» criai-je alors, de mon côté.

Au son de ma voix, je vis Link prêter l'oreille et minutieusement me dévisager puis rebondir soudain comme un ressort. Deux fauteuils en se renversant tombèrent. Il se précipita à ma table et s'y appuyant des deux mains, persista des secondes durant dans cette position, la tête largement inclinée et me dévorant littéralement du regard. Ce faisant ses oreilles commencèrent très sérieusement à remuer. Un signe évident d'intense excitation, ce qui, auparavant, m'arrachait toujours un rire.

Il relevai les sourcils et pressa fortement sa lèvre supérieure entre ses dents, si bien que les pointes habilement tournées de sa moustache, se tendaient vers moi en me menaçant, comme s'il voulait par là m'embrocher.

J'éclatai d'un rire sonore.

- «Link, vieux frère, comment êtes-vous arrivé par ici et qui recherchez-vous?»

Maintenant la vie et le mouvement lui revinrent. D'un bond il sauta autour de la table, m'enlaça des deux bras et m'embrassa bruyamment sur les joues.

- «Salut, salut, cher ami enfin retrouvé! Comment suis-je venu?: avec le train. Ce que j'y cherche? Un homme qui n'a pas voulu venir à moi, à vrai dire vous! Ce que je veux en plus? Voyager avec vous. Chercher l'aventure. Faire du cheval, chasser, combattre.»

- «Vous voulez...?»

- «Voyager avec vous, naturellement.»

Amusé, il me faisait signe de la tête.

- «Mais d'où savez-vous...?»

- «Je sais tout, tout! Du moins, ce que j'ai besoin de savoir. Mais surtout que vous êtes là et que vous ne me renverrez pas ou ne me laisserez en plan. Où n'est-ce pas ainsi? A l'annonce de ma visite vous m'avez écrit que je viendrais vainement, car vous partiez en voyage à Constantinople. N'était-il pas naturel que je vienne ici directement? Rien ne m'en empêchait!»

Maintenant tout devenait clair.

Il y a quelque temps, Link m'avait annoncé sa venue, à la suite de quoi, je l'avais informé de mon départ imminent. J'avais encore mentionné en plaisantant que je serais éventuellement le 10 mars à Constantinople et qu'il devrait me demander chez Madame Müller Péra, Impasse Ottonie 9, au cas où l'envie le prendrait de voyager en Arabie et de désirer vivre quelques mois chez les bédouins en touriste.

Il avait pris ma plaisanterie au sérieux et était déjà arrivé ici quelques jours plus tôt, afin de ne pas me manquer. Il avait écrit seulement le 9 mars. Mais il m'avait mis dans de beaux draps.

D'une part, je me réjouissais de cette rencontre, d'autre part elle m'était désagréable. Par sa complète ignorance des usages et de la langue, Link pouvait être une entrave importante. Sa présence à nos côtés dans la recherche de la sœur d'Ahmed serait pour nous simplement dangereuse. C'est pourquoi, il me fallait mettre tout en œuvre pou lui faire abandonner ce projet.

Je savais bien que cela me serait difficile.

Nous nous étions assis de nouveau. Le patron apporta mon café et celui de Link que j'avais commandé.

- «Pourquoi le garçon me fait-il attendre aussi longtemps?» grommela-t-il. «Mon argent vaut bien celui des autres.»

- «Il ne vous a pas du tout compris car vous parlez allemand.» le rassurai-je.

- «Mais ici n'est-il pas d'usage que l'on puisse très bien se tirer d'affaire avec la langue allemande? Par conséquent, ce diable de garçon devrait forcémentaussi me comprendre .»

Il n'arrivait pas encore à s'apaiser.

- «Oui, alors vous ne devez fréquenter que les meilleurs établissements», lui expliquai-je en riant. «Sinon, sinon vous êtes perdu et devez mourir de faim.»

- «Je n'apprendrai pas le turc exprès à cause de cet homme! On ne se sert jamais de ce charabia.»

Soupçonneux, il regardait désormais sous toutes les coutures la petite tasse de café se trouvant devant lui, il la prit prudemment avec deux doigts, but d'abord à petits coups en goûtant, claqua la langue avec plaisir et finit alors d'un trait le reste.

Cela se passa si vite que je ne pus l'en empêcher. Désormais, toutefois, je n'étais pas peu impatient sur ce qui devait arriver et pouvais à peine garder mon sérieux.

Ce qui devait arriver ne tarda guère.

Avec de furieux halètements Link lança sa tasse par terre, si bien qu'elle se brisa en mille morceaux, puis il ouvrit la bouche toute grande. Les oreilles commencèrent leur jeu si activement qu'elles paraissaient exprimer leur joie maligne sur l'infortune de leur propriétaire. Seules les pointes de la moustache pendaient tristement et regardaient indiscrètement dans la bouche largement ouverte d'où sortaient des sons inarticulés.

Après de longs efforts convulsifs pour vomir, il éjecta le marc de café déjà à demi-avalé.

- «J'apprendrai à ce garçon de café à me jouer un tel tour», dit-il. «Attends, je te laverai tes sales oreilles, de sorte que tu ne sauras plus où tu en es.»

En disant cela, il voulut rentrer.

- «Link, Link, restez ici!» lui criai-je.

- «Pourquoi?»

- «Restez ici!» lui criai-je.

-  «Pourquoi? Dans quel but? Croyez-vous que je laisserai impuni le cafetier de m'avoir encore laissé autant de marc de café?»

- «Oui! Mais regardez donc la mienne. Il y en a autant dans la mienne!»

Je lui tendis en riant ma tasse, dans laquelle il regarda, déconcerté.

- «Selon la manière turque, vous ne recevez pas le café autrement qu'un tiers avec le marc», lui expliquai-je alors.

- «Ah! Oui, oui», dit-il, en se détendant, et, hochant la tête, il se rassit à sa place.

Maintenant, commençait pour moi la difficile tâche de le détourner de son intention aventureuse de vouloir venir avec nous en voyage.

- «Je me réjouis vraiment de vous trouver ici. Avez-vous un bon hôtel?»

- «Je suis très content, j'habite à Istanbul Hôtel et j'ai déjà fait ce matin la connaissance d'une personne distinguée. A vrai dire, le monsieur est déjà âgé et il a sa petite fille avec lui. Il veut rester quelques jours ici.»

- «Le particulier Weiss de Munich est un monsieur très charmant» répondis-je calmement.

Link n'en croyait pas ses oreilles et me regarda, d'un air étonné.

Il me vint une inspiration et je poursuivis:

- «Vous n'avez pas à vous montrer aussi étonné de ma connaissance. Monsieur Weiss est arrivé avec moi et m'a invité à lui rendre visite à l'Istanbul Hôtel. Il a donc mangé là aujoud'hui à midi pour la première fois et fait votre connaissance.»

«Cher ami», lui dis-je, «que penseriez-vous de tenir compagnie à Monsieur Weiss pendant trois ou quatre jours? Je serai encore là et me consacrerai à vous entièrement, afin que vous puissiez faire la connaissance de bien des choses. Monsieur Weiss sera certainement fort content, et moi aussi. Franchement je serais plus libre, car je vais à la rencontre d'une tâche qui comporte beaucoup de dangers. J'ai accepté cette obligation seulement aujourd'hui et n'en savais rien auparavant.»

Ses oreilles commencèrent à remuer de façon inquiétante.

- «Quoi? Rester ici!» s'écria-t-il «Ne dites pas un mot de plus à ce sujet, si nous voulons rester amis. Croyez-vous que je serais venu à Constantinople pour faire la connaissance d'un particulier Münichois? Désormais, je suis ici et voyage avec vous, notamment si vous allez à la rencontre des dangers, car c'est bien ce que je cherche!»

En soupirant, je me résignais et me levais, décidé à lui montrer, aussitôt que possible, l'un des mauvais côtés de l'Orient, afin qu'il perde l'envie de continuer le voyage, car s'il venait avec nous, plus question de penser au retour. Je craignais qu'il regrette rapidement sa décision.

Le cafetier fut richement dédommagé pour la tasse cassée et j'accompagnais Link à son hôtel. Je regardais le vêtement élégant et je remarquais encore:

- «Ce costume ne convient naturellement pas pour le voyage. Il vous faut en choisir un un peu plus pratique. Je vous y aiderai demain.».

Ceci n'était absolument pas à son goût, tristement il examinait les pantalons de soie. Il se plaisait si bien dedans!

- «Par ailleurs, j'aimerais encore vous prier de parler le moins possible avec des étrangers et de ne rien mentionner du tout de notre voyage. Je ne peux pas vous délier de ce devoir si vous voulez vous joindre au voyage. Pour vous mettre en garde, je vous révèlerai que déjà maintenant tous nos pas sont observés.»

Link avait déjà amorcé une cabriole.

- «Quoi? Observé? C'est chouette. On y est déjà? Alors je vous prouverai bientôt que je suis de taille à me mesurer aux musulmans.»

- «Je ne doute pas que vous soyez plein de bonne volonté. Si cela vous plait, je viendrais vous chercher demain matin pour une petite promenade.»

A ces mots, je lui pressai la main et voulus prendre congé, mais Link me retint fermement et me fit un signe des yeux par-dessus mon épaule.

- «Cette personne minable appartient-elle aussi aux espions? L'homme nous a surveillé tout le temps!»

Vite, je me retournai et dans la maison située en diagonale, je vis un homme dissimulé dans l'angle qui s'occupait activement de ses sandales. Soudain, il se redressa et partit à pas rapides. Durant la seconde où j'avais pu voir son visage, j'avais pu reconnaître le porteur de bagages et désormais, je lui marchais de suite sur les talons. Lorsqu'il vit que je le suivais, il alla plus vite et se mit à courir et emprunta différentes voies latérales, en tous sens pour m'égarer. Il s'était cependant trompé dans son calcul. Je n'étais pas si facile à semer et m'en rapprochais de plus en plus.

Enfin, il prit la direction de la Corne d'Or, sauta dans une barque et incita le rameur à se hâter le plus vite possible.

Un marchand d'oranges voulut m'arrêter en m'offrant sa marchandise, je lui donnais une violente poussée et sautais dans la barque la plus proche en jetant une pièce au rameur. Cela fit merveille et nous filâmes comme une flèche derrière le fuyard. Je ne devais pas laisser la distance devenir trop grande, car il faisait déjà sombre.

Nous étions parvenu presque en même temps sur le rivage, dans Galata. Seuls  dix pas me séparaient maintenant de lui:

- «Halte, garçon!» lui criai-je. «Tu ne m'échapperas pas!» et, en deux bonds, j'étais à ses côtés.

Il fit un saut en arrière, se tourna vers moi et un regard de fureur m'atteignit.

- «Attends, chien!» grinça-t-il, il tira un couteau de sa ceinture et pencha le buste en arrière.

Au mouvement, ainsi qu'à la manière dont il avait saisi le couteau, je remarquai aussitôt qu'il ne le pointerait pas, mais le lancerait et je me jetais vite de côté.

Un instant plus tard et le couteau aurait été dans ma  poitrine, mais je ne m'étais pas assez écarté, aussi il m'atteignit légèrement à la partie supérieure du bras gauche. Aussitôt après avoir lancé son arme, l'homme continua sa fuite.

Maintenant, je devais le rattraper et volais littéralement derrière lui. Il me semblait remarquer que nous nous engagions dans les rues écartées et mal famées de Galata. Maintenant, l'on montait quelque peu. Il ralentit sa course et je l'entendis nettement respirer. Soudain, retentit un coup de sifflet aigu. J'entendis le bruit d'une porte s'entrouvant. L'homme fit encore quelques grands sauts et disparut dans une maison.

Je me précipitai derrière {lui} et me trouvai devant deux portes situées l'une à côté de l'autre.

Par laquelle s'était-il échappé? Il ne restait plus de temps pour une plus longue réflexion et furieusement j'actionnai l'un des marteaux de porte. Cela devait être ici.

A travers un volet un homme me demanda ce que je voulais et j'exigeai d'entrer.

Il hésitait, mais dans mon excitation je commençai à cogner la porte des mains et des pieds. Rien n'y fit et comme les voisins venaient déjà voir avec curiosité, je dus me retirer.

Attendre et observer plus longtemps n'avait aucun sens. Je savais fort bien que par les toits plats l'on pouvait facilement aller d'une maison à l'autre et je pouvais être assuré que l'homme poursuivi ne se trouvait déjà plus dans la même maison. Il était certain que tous les habitants contesteraient tout ce que je dirais.

Il me suffisait de repérer exactement l'endroit et je rentrais à la maison pour mettre Ahmed au courant de l'événement.

Je ressentais seulement la brûlure de la blessure que m'avait fait le couteau et remarquai que le sang coulait encore de mon bras. C'est pourquoi j'évitai les rues animées et arrivai inaperçu à la maison d'Ahmed. Il m'avait attendu et ne fut pas peu surpris à ma vue. Je le rassurai cependant et le mis au courant de la rencontre avec Link. Il était prêt à prendre le Viennois chez lui, car nous ne doutions pas qu'il se lasserait vite et qu'il repartirait vers sa ville impériale.

Ahmed me pansa soigneusement, me fit servir à dîner dans ma chambre, et, comme aux jours d'autrefois, nous étions de nouveau entre nous.

- «Maintenant j'aimerais écouter ta proposition», commença-t-il. «Ce que tu estimes bon de faire. Je ne suis pas encore parvenu à une décision ferme, mais j'aimerais malgré tout partir tout de suite.»

Cet après-midi, j'y avais déjà souvent pensé, aussi je lui dis:

- «Si je dois te conseiller alors partons directement pour Smyrne dès que possible pour suivre les traces à partir de là. Naturellement, nous ne devons pas prendre d'autres initiatives importantes pour l'instant.»

Pensivement, Ahmed s'appuyait la tête dans la main, et, après une courte réflexion, il s'était décidé.

- «Tu as raison, partons aussitôt que possible. Demain j'ai encore différentes choses à régler, car l'on ne sait combien de temps durera le voyage. Le jour suivant nous pourrons prendre le bateau.»

- «Mes papiers...»

- «Je m'en occuperai demain», poursuivit Ahmed. «Consacre-toi encore à ta connaissance viennoise. Mais sois prudent. Après l'incident d'aujourd'hui il pourrait facilement t'arriver quelque chose.»

- «N'aie crainte, Ahmed! Je saurai bien défendre ma peau.»

Ahmed me quitta après m'avoir souhaité une bonne nuit; mais je pensais et réfléchissais sans fin sur la manière d'atteindre au plus vite notre but.

Le matin suivant, j'étais sur pied de bonne heure, afin de ne pas faire attendre Link trop longtemps, et, après le petit déjeûner je me rendis à l'hôtel d'Istanbul. Le Viennois bondit littéralement de joie en apprenant notre départ en voyage pour le lendemain.

Avant tout, je le conduisis chez Ahmed, afin qu'il fasse connaissance. Ahmed s'offrit aussitôt pour effectuer aussi les démarches concernant le passeport de Link; Si bien que nous n'avions rien d'autre à faire que de pourvoir aux quelques vêtements pour Link.

Nous nous rendîmes à la brasserie suisse pour nous rafraîchir d'un verre de bière de Münich.

Toutefois, nous repartîmes bientôt et admirâmes le musée de figures de cire, où Link s'arrêta avec étonnement devant les vêtements pittoresques et peu soignés des janissaires.

- «Je n'aimerais pas tomber entre leurs mains!» remarqua-t-il en frissonnant.

- «Nous nous rendons en tout cas durant notre voyage dans des régions où les habitants sont encore plus redoutables que les janissaires en leur temps!» répondis-je.

- «Auriez-vous peur?»

- «Pas la moindre» s'empressa-t-il de dire, mais il jeta encore un regard craintif vers les figures de cire et me tira dehors.

Dans la rue, il ne cessait de questionner. Une fois c'était une musulmane voilée passant devant nous qui attirait son attention, une autre fois c'était une kurde, puis de nouveau un marchand de viande où également un troupeau d'ânes chargés de briques et que l'on frappait impitoyablement avec des bâtons sur les cuisses déjà en sang. Il était indigné du fait que l'une des horloges de la gare donnait l'heure en européen et qu'une autre la donnait en turc.

Les chiens errants auxquels nous nous heurtions à chaque pas, le faisaient plaisanter.

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